Ulysse Rabaté sur la dépolitisation : « J’essaye de déconstruire une déploration qui sert en premier lieu l’ordre établi »

 

– Fort de son expérience de militant politique et d’élu local à Corbeil-Essonnes, en banlieue parisienne (de 2014 à 2020), Ulysse Rabaté nous offre dans « Politique Beurk Beurk » (éditions du Croquant, 2021) une analyse critique sur les pratiques politiques locales et une réflexion sur de nouvelles formes de politisation, à rebours des discours lénifiants sur le désengagement des citoyens.

 

  • Votre réflexion repose de votre propre expérience politique dans la ville de Corbeil-Essonnes, entrée dans les annales de la Ve République à travers la découverte et la condamnation judiciaire du « système Dassault ». Comment un tel système d’achat de votes, un système de corruption électorale pyramidal alimenté par la fortune de l’avionneur milliardaire a pu prospérer ?

Ce système est unique dans l’histoire politique française. Aussi incroyables qu’apparaissent les éléments qui sont aujourd’hui portées à notre connaissance, cela reste une vision très partielle de ce que ce système a été. Pour l’analyser comme un phénomène politique et social, il a fallu en quelque sorte dépasser cette radicalité et retrouver finalement tout ce qu’il y avait d’ordinaire derrière l’exceptionnel. Le point de départ de la réflexion est celui-ci : ce système de corruption et d’achat de voix a d’abord prospéré sur un effondrement du socle de représentations et de pratiques qui structurait l’éco-système communiste à Corbeil-Essonnes (la ville a été communiste de 1959 à 1995), que je définis dans le livre comme une sorte de métaphore du mythe de la gauche. Quand une conception valorisée de l’engagement et de la politique est dominante, il y a peu de place pour le clientélisme ultra-libéral de Serge Dassault : le système « prend » dans un contexte de crise de légitimité de la gauche et de la pratique de la politique qui s’y associe. Cette analyse, je l’avais amorcée il y a quelques années[1] mais il manquait tout un pan de la question : pourquoi le système a « si peu marché », au regard des sommes stratosphériques déversées à Corbeil-Essonnes ? La révolution qui s’est opérée sur place était contradictoire, notamment dans son rapport à la gauche. Certaines valeurs qu’on pensait « disparues » continuaient d’exister et d’agir sur le contexte politique local. Partant des quartiers, j’ai voulu montrer qu’ils ont aussi été le lieu d’ une résistance réelle, complexe et multiforme, qui a dû composer avec la folie des sommes en…

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Auteur: Nabli Béligh