Un art de la catastrophe

L’article qui suit est une méditation sur les temps présents, l’impossibilité de manifester, les corps, la mort, leur imprévisibilité, la catastrophe qu’est notre monde mais aussi la fête et sa dimension politique, le tout au travers d’un retour sur le rassemblement de samedi dernier sur la place de la République contre la loi Sécurité Globale auquel se sont joints des soutiens à la Free Party du jour de l’an à Lieuron.

C’est quelque part entre 2004 et 2006, je ne sais plus exactement. Il y a beaucoup de lieux occupés à Paris. Et beaucoup d’expulsions. Un soir d’hiver froid je descends la rue de Belleville pour aller rue du Chalet, soutenir des amis qui tentent d’empêcher l’évacuation des lieux où ils vivent, logent et se logent. Il y a un peu de monde, l’ambiance est chaleureuse et tendue, entre les deux, et très vite c’est justement la question qui se pose, l’ambiance, celle qu’on veut et celle qu’on ne veut pas. C’est une bonne question, gênante car autoritaire, presque éducative, et qui se vide avec le temps quand on fréquente toujours les mêmes personnes parce qu’on finit par se ressembler, et par produire la même ambiance sans s’en rendre compte. Lors d’une expulsion un groupe se forme, il y a des gens très différents qu’on a appelés et qui se trouvent là, qui ne savent pas forcément ce qu’il faut faire, comment se comporter, qui peuvent être contents de se voir et même ne rien comprendre du tout. Un type assis sous un porche du numéro d’à côté a sorti sa guitare et commencé à jouer, à faire de la musique. Quelqu’un lui a demandé d’arrêter et puis j’ai entendu cette phrase : « Pas de teufisme ».

Pas de teufisme. La situation était sérieuse et le message était clair : pas question d’en profiter pour faire n’importe quoi, pour boire et faire la fête. Il y avait bien eu parfois des occasions de s’entendre, quelques événements qui avaient réuni les parties sérieuses et les autres, les festives, mais finalement ça n’avait jamais été vraiment les mêmes gens, les mêmes aspirations, les mêmes affects. J’étais sortie de cette…

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Auteur: lundimatin