Un hiver sous la glace

Il y a deux ans, au même moment de l’hiver, Aclin sortait d’une méchante addiction aux écrans, et aux jeux qui les animent. Il en reste ce petit film, réalisé comme une purge, conservé comme une trace.

Quand on a basculé dans un jeu vidéo, le moment le plus émouvant, ce sont ces courts instants où on sort la tête de l’eau, pour happer un paquet de chips, une goulée de bière, vider ses entrailles ou ajouter au tas de linge sale. Le réel qui vient alors vous frôler est comme mis à nu, sans gaine, exténué et indéniable. Ont été balayées toutes les représentations qui nous y préparaient, celles qui l’apprêtaient à notre consommation, lui prêtaient une épaisseur et des arrières-plans, l’éclairaient à la boussole de notre intérêt. On s’y trouve sans s’y retrouver. Dans cet état, les quelques êtres qu’on croise ont la fragilité émouvante et la dureté définitive du verre ; leur présence est grossie sans qu’on parvienne à y trouver aucune prise. Impression affolante et paradoxale, affolante car paradoxale, que de voir tout un monde s’éloigner dans le rétroviseur et l’entendre, pourtant, à intervalles réguliers, frapper au carreau.

Tout cela, Aclin l’avait un peu oublié. Si ça remonte à la surface, et ce film avec, c’est qu’à mesure que cette fin d’année se précise, un nouveau sentiment d’irréalité fait son chemin. Ce n’est pas, comme dans le cas de l’addiction aux jeux vidéo, que le monde nous inflige une troublante présence lorsqu’on sort la tête des écrans. C’est plutôt que les choses s’organisent pour qu’il nous inflige tout sauf sa présence. Inquiétant numéro que cet arraisonnement économico-sanitaire tenant dans sa gueule, intact, le chapelet des jours de la consommation rituelle. Et l’ordre policier qui veille bien violemment à ce que rien ne dépasse. On a beau ne pas croire les publicités, Noël devient plus que jamais féérique –…

Auteur: lundimatin
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