« Un lieu qui a un caractère de refuge »

Quel regard portez-vous sur le succès actuel des grandes expositions d’art ?

Vincent Delecroix : Comme tout le monde, je me réjouis que les musées soient fréquentés et qu’ils le soient de nouveau après la crise du Covid et les confinements successifs. Ce succès est cependant ambivalent, car il s’inscrit aussi dans une tendance à la consommation de la culture. Sans vouloir être trop grinçant, il faut bien relever que ce qui est plébiscité, c’est une culture bien ancrée dans le paysage, des artistes « sûrs », des références classiques, des œuvres qui ne dérangent pas nécessairement beaucoup…

Dans nos temps troublés, le public vient-il chercher une forme de consolation dans l’art ?

V. D. : Oui, il y a quelque chose de cet ordre. Il faudrait convoquer ici toute une philosophie de l’art comme consolation, qui suggère que l’art permet de vivre. Souvenons-nous de la phrase de ­Nietzsche : « Nous avons l’art pour ne pas mourir de la vérité. » Et de ­Schopenhauer qui a pensé l’art comme « suspension du vouloir vivre », c’est-à-dire comme ce qui permet de surmonter les tensions et la dureté de la vie. Dans cette lecture, il y a l’idée qu’en pénétrant dans le monde de l’art, on entre dans un monde d’harmonie, de calme, d’ordre, de lumière, un monde « apollinien », pour parler comme ­Nietzsche. Cette métaphysique a été très prégnante dans la conscience occidentale. Elle donne évidemment une image un peu faussée de l’art. On voit bien que les œuvres contemporaines sont à la recherche d’autres effets et qu’elles n’apportent pas nécessairement la sérénité escomptée !

Quel serait donc le réconfort apporté par l’art ?

V. D. : À côté de cette forme de consolation, je crois que l’art sollicite autrement notre rapport au monde. Il nous apporte une forme de compréhension à distance. Il nous fait entrer dans la contemplation. Or le lien entre contemplation et…

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Auteur: Recueilli par Élodie Maurot