Un pays qui se soulève

Pavel Nikolayevich Filonov. — « La formule du printemps et les forces en action », 1928

Lundi 20 mars, les pages d’accueil de la presse nationale sont tout entières à l’excitation d’une motion de censure, à compter les députés susceptibles de voter, à supputer des chances, à envisager de futures combinaisons, à jouer les informés, quel délice — le journalisme politique : passeport pour l’inanité politique.

Lire aussi Grégory Rzepski, « Capitalisation, l’autre nom de la réforme des retraites », Le Monde diplomatique, mars 2023.

Pendant ce temps, la politique, dans sa puissance de surgissement, s’est emparée du pays. Une nuée d’initiatives spontanées explose de tous côtés, débrayages sans préavis, blocage des axes routiers, débordements émeutiers ou simples manifs sauvages, AG étudiantes dans tous les coins, l’énergie de la jeunesse à la Concorde, dans la rue. Tout le monde se sent sur des charbons ardents et des impatiences dans les jambes — mais pas pour les sottises qui passionnent le dé à coudre parisien. Le dé à coudre est à l’image de la tête d’épingle, les journalistes scotchés à Macron et Borne, aussi ignorants les uns que les autres de ce qui se passe vraiment : l’ébullition.

C’est beau ce qui se passe quand l’ordre commence à dérailler. Des choses petites mais inouïes, qui rompent l’enfermement résigné et l’atomisation dont les pouvoirs font leur pouvoir. Ici des agriculteurs amènent des paniers de légumes aux cheminots en grève ; là un restaurateur libanais distribue des falafels aux manifestants nassés ; des étudiants rejoignent les piquets ; on verra bientôt des particuliers ouvrir leur porte pour cacher des manifestants de la police. Le vrai mouvement commence. D’ores et déjà nous pouvons dire que la situation est pré-révolutionnaire. À quelles perspectives fait-elle face ? Se peut-il qu’elle puisse se débarrasser du « pré- » pour devenir pleinement révolutionnaire ?

Gouverner par la rafle

Ce pouvoir, légitimité effondrée, n’est plus qu’un bloc de coercition. Pour avoir lui-même abattu toutes les médiations, l’autocrate n’est plus séparé du peuple que par une ligne de policiers. De cet individu que toute raison a depuis longtemps déserté, rien ne peut être exclu.

Lire aussi Serge Halimi, « Un homme contre un peuple », Le Monde diplomatique, février 2023.

Macron n’a jamais inscrit l’altérité. Sa psyché ignore ce que c’est qu’un…

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Auteur: Frédéric Lordon