Présenté comme mesure visant à limiter la contamination, le port du masque généralisé a été imposé sans qu’un réel débat fournisse les preuves scientifiques de son efficacité et de son innocuité. Comme une idée fixe qui aspire la politique, la présence du virus se manifeste par la disparition du visage. On peut émettre un doute légitime sur le bien-fondé de cette nouvelle règle de vie, à l’effet spectaculaire. Plus encore, ne convient-il pas de questionner la métamorphose achevée que la vie masquée inflige à notre société ? Dans le geste prétendument sanitaire, Giorgio Agamben déchiffre une défiguration qui semble abolir la cité des hommes. À la séparation réalisée par l’exigence de « distanciation sociale » s’ajoute l’effacement des traits émouvants où se dessine la reconnaissance : le masque est signe d’une amputation politique de l’humain réduit à la transmission mécanique de messages. Qui ne voit à présent le délitement forcé du lien sensible, toujours inédit et incontrôlable, affinité qui vient se peindre sur le visage, lieu de l’ouverture sans quoi le monde devient monstre ?
Un pays sans visage
Par Giorgio Agamben
Ce qu’on appelle visage ne peut exister chez aucun animal excepté l’homme, et il exprime le caractère.Cicéron
Tous les êtres vivants sont dans l’ouvert, ils se montrent et se communiquent les uns aux autres, mais seul l’homme a un visage, seul l’homme fait de sa manière d’apparaître et de se communiquer aux autres êtres humains sa propre expérience fondamentale, seul l’homme fait du visage le lieu de sa propre vérité.
Ce que le visage expose et révèle n’est pas quelque chose qui peut être dit en mots, formulé dans telle ou ou telle autre proposition signifiante. Dans son propre visage l’homme se met inconsciemment en jeu lui-même, c’est dans le visage, avant que dans la parole, qu’il s’exprime et se révèle. Et ce que le visage…
Auteur: lundimatin
La suite est à lire sur: lundi.am