Un procès-verbal à remplir chez soi : comment la police standardise le dépôt de plaintes pour viol

« Vous souvenez-vous comment vous étiez vêtue ? » « De quelle façon décririez-vous votre comportement vis-à-vis des hommes ? » « Avez-vous une raison autre que le fait de dénoncer les faits, dont vous estimez avoir été victime, pour déposer plainte ? » Seule face à son ordinateur, X ouvre le document qu’un brigadier de police lui a envoyé. Elle voulait porter plainte pour viol. La voilà face à ces questions, parfois vagues ou trop personnelles : « Parlez-nous de votre vie sentimentale », « Parlez-nous de votre sexualité »

Document reçu par X

Au total, la plaignante doit répondre à 32 questions. Le document a la forme d’un procès-verbal d’audition.

En janvier 2021, X est victime d’un viol, subi lors d’une soirée. Elle décide d’aller porter plainte et se rend dans un commissariat d’arrondissement parisien. Là, les policiers lui disent qu’ils vont plutôt prendre une main courante, et transmettre le dossier au troisième district de police judiciaire (3e DPJ). C’est la procédure, lui dit-on, pour les viols, à Paris. Premier choc : son procès verbal de main courante mentionne qu’elle ne veut pas déposer plainte, alors qu’elle est précisément venue pour cela. « Tout cela s’est passé assez vite, et comme elle n’avait jamais eu l’occasion de porter plainte avant, elle n’a pas trop posé de questions, elle s’est dit que c’était normal », explique Marjolaine Vignola, son avocate.

La jeune femme quitte le commissariat, après s’être entendue dire que le 3e DPJ la rappellerait. Elle attend, en vain, cet appel et finit par décrocher son téléphone pour savoir ce qu’il en est. « La personne qui lui répond annonce que le 3e DPJ va déménager et qu’elle ne pourra donc pas avoir de rendez-vous avant le mois de mars ! » Rappelons que l’on parle d’une personne victime de viol, pour qui il n’est pas facile d’entreprendre toutes ces démarches. « Sa mère, qui était venue près d’elle pour la soutenir suite au viol, téléphone à son tour, insiste et finit par avoir le brigadier en charge du dossier. C’est à ce moment-là qu’il lui renvoie un formulaire qu’elle doit remplir le plus vite possible », explique son avocate. Le document que X reçoit porte en en-tête « procès-verbal » et une liste de questions parfois difficiles à décrypter : « Lors des faits que vous décrivez, vous a-t-il porté des coups ? » « Pourriez vous décrire le retentissement des faits vous concernant ? » D’autres peuvent…

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Auteur: Emma Bougerol