Une bonne fois

Jan Styka. — « Néron à Baïes », vers 1900.

On ne sort pas tous les quatre matins. Donc, quand on sort, autant que ce soit une bonne fois. Un petit stratège macroniste verrait sans doute l’avantage pour son maître de l’agitation présente : ils sortent maintenant, ils ne ressortiront pas de sitôt — par exemple dans trois mois pour les retraites.

D’un certain point de vue, la grève salariale, en tant que telle, est la plus fade des grèves — trade-unioniste dirait Lénine. On se met en grève, on obtient tant de pourcents, on retourne à la mine. La grève salariale est le point de confort suprême du syndicalo-syndicalisme, exercice institutionnel revendicatif type qui, par définition, ne touche à rien puisque, revendiquant dans le cadre, il reconnaît de fait le cadre — donc ne charrie aucun projet de le renverser.

Mais il faudrait une singulière arrogance de clerc marxiste-léniniste pour s’en tenir-là quand tant de gens sont en train de tomber dans la misère, la pénurie, le froid, et que le pouvoir d’achat, avant même d’être une « revendication », est une urgence quasi vitale. On se souvient des « gilets jaunes » et de cette lumière crue qui était tombée (enfin) sur les conditions d’existence d’une partie considérable de la population, hors d’état parfois de faire plus d’un repas tous les deux jours. C’était en 2018 et on imagine les mêmes aujourd’hui. On est bien contents qu’il y ait des syndicalistes pour s’occuper des salaires.

Il faut pourtant peut-être garder quelque chose du point de vue du clerc, fut-ce simplement pour que le petit stratège macroniste l’ait bien profond, mais aussi, en fait surtout, parce que tout se tient. Et qu’il n’y a aucune difficulté, tirant sur le fil du pouvoir d’achat, à faire venir tout le reste avec.

Hormis la frange supérieure des porcs façon Pouyanné Arnault, et la classe nuisible qui les soutient, classe des wannabes, startupers, chaussures pointues du privé comme du public, entrepreneurs réels ou imaginaires, bourgeois vieux, éditorialistes surpayés, admis à la grande table mais juste au bord pour ouvrir le bec et attraper quelques bas morceaux qu’on leur jette, hormis ces 10 % qui tiennent symboliquement et électoralement le pays, le reste de la population n’en peut plus, ni monétairement, ni — c’est ça le point important — d’aucune autre manière. Car le macronisme détruit la vie des gens de toutes les manières.

Avec le concours mouillé de tout ce que le système…

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Auteur: Frédéric Lordon