Une enquête dévoile les ressentis des personnes victimes de racisme

La ministre déléguée auprès de la première ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances, Isabelle Rome déclarait le 30 janvier dernier lors de la présentation du Plan national de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine 2023-2026 :

« Les racistes, les antisémites, les antitsiganes, ceux qui distinguent les êtres selon ou en raison d’une couleur de peau, d’une religion, ou d’une nationalité, sont nos ennemis les plus redoutables. Ils sont les ennemis de la République. »

Ce discours s’inscrit en effet dans un climat national tendu en France concernant ces discriminations. Sur la base d’enquêtes qualitatives et quantitatives dans différentes villes de France, il nous a été possible de cumuler des données à partir d’un questionnaire diffusé entre 2015 et 2020, et portant sur le vécu des discriminations dans la ville. Si le sexisme ou les LGBTphobies ressortent dans toutes nos enquêtes territoriales, la question du racisme est celle qui augmente le plus régulièrement dans nos mesures.

Ainsi, lorsque nous demandons aux personnes victimes de racisme quel est leur rapport aux institutions, les trois quarts d’entre elles expriment un sentiment de mépris subi. Cela se concrétise par des tons condescendants, des contrôles au faciès, des changements de place dans les transports…

Puis, quand on leur demande ce qu’ils ont fait pour résister, ils répondent massivement « rien », car ils ne croient pas ou peu au changement « parce que les services publics s’en foutent de nous ! », répondent-ils pour partie.



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Que ressentent les individus ?

Il est important d’analyser ce sentiment de discrimination liée à l’origine réelle ou supposée dans une double analyse géographique : dans et hors des quartiers dits prioritaires, car une immense majorité des personnes relatant des faits de racisme les situent en dehors de ces derniers, ou en provenance de personnes vivant à l’extérieur des dits quartiers alors que plus de la moitié de notre échantillon vit dans les quartiers prioritaires de la ville.

À travers d’autres questions, nous avons cherché à comprendre ce qu’ont ressenti les individus à l’instant des discriminations vécues : de la peur ? De la honte ? Et, de façon générale, comment interprètent-ils ces évènements ?

Tableau : les émotions ressenties par les victimes de discriminations.
Fourni par l’auteur

Moins de peur et moins de tristesse, mais plus de colère, voilà ce qui ressort de la compilation de nos données sur plusieurs années. Cette particularité des émotions citoyennes en prise au racisme n’est pas anodine : elle permet de rendre audibles des éléments sensibles propres à cette population victime de discriminations.

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Différentes perceptions des discriminations

Toutes les émotions ne sont pas exprimées de la même manière dans le verbatim de nos enquêtes. Trois perceptions semblent apparaître.

Des émotions totales : pour cette catégorie de personnes, il n’y a pas d’extérieur à la discrimination, car toute procédée de phénomènes globaux (l’histoire, le racisme systémique) et essentiellement discriminatoires.

Immiscées dans tous les interstices de la vie quotidienne, les différentes formes de racisme forment, pour ces personnes, un horizon total.

« La violence de la société est telle que je n’arrive pas à me distancier des remarques que j’entends. Pas d’attaques directes ni d’agressions mais une violence sournoise, relativement discrète omniprésente présente »

« Les discriminations viennent de partout et sont de toutes les natures ». Les victimes de racisme témoignent beaucoup plus de ce type d’émotions.

Des émotions relatives : généralement, on trouve des émotions plus ténues. Autrement dit, peu importe le trauma de la discrimination, les raisons sont ici plus floues, ou plus individuelles :

« tout dépend du type de discrimination…

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Auteur: Johanna Dagorn, Sociologue, Université de Bordeaux