Une ferme géante naît au mépris des petits paysans

C’est un empire agricole qui a été vendu dans la Vienne. Environ 10 millions d’euros pour 2 121 hectares, soit l’équivalent de 1 484 terrains de foot douze sociétés, des bâtiments agricoles, des logements, du matériel dont un silo d’une capacité de 16 000 tonnes, et des parts dans plusieurs autres sociétés. Dans ce département, la surface moyenne d’une exploitation est de 116 hectares. Ce domaine représente l’équivalent de dix-huit fermes dans le secteur, l’équivalent d’un carré de 20 km2.

Impossible pour un agriculteur de se payer ce royaume, trop grand, trop cher. L’exploitation située à Cissé a été vendue en une seule fois à une seule entité, l’entreprise Agro Team, qui n’a même pas encore d’existence légale.

La Safer, la société d’aménagement foncier et d’établissement rural, a pour mission de veiller sur les ventes de terres agricoles en France. C’est elle qui s’est occupée de ce dossier. Dans un communiqué du 10 novembre, elle a annoncé que cette cession « hors norme par sa taille et sa complexité » permettra l’installation de trois agriculteurs et le maintien de neuf emplois salariés. Soit trois chefs d’exploitation à la tête de 707 hectares chacun. Le schéma directeur régional des exploitations agricoles — la feuille de route officielle de l’agriculture régionale — indique qu’un agrandissement est excessif au-delà de 180 hectares par chef d’exploitation. La transaction a pourtant bel et bien eu lieu.

Les candidats à la reprise avaient jusqu’à la fin août pour déposer leur dossier. Vu l’ampleur du royaume, le prix s’annonçait élevé. Environ 10 millions d’euros donc. Une somme hors de portée des paysans candidats à l’installation. « À l’échelle de la vie professionnelle d’un agriculteur, les montants sont tels qu’une personne ne peut pas se positionner en tant qu’acheteur, ça ne peut être qu’une société, explique Tanguy Martin, chargé de plaidoyer à Terre de liens, une fondation qui achète des terres agricoles pour installer des paysans avec de l’épargne citoyenne. Cette ferme est l’exemple édifiant de la financiarisation et de la concentration de l’agriculture. On a déjà vu des ventes de mégafermes, mais cette fois, c’est avec l’accompagnement de la Safer et la validation de l’État. »

« Financiarisation et concentration de l’agriculture »

Dans un communiqué réunissant plusieurs organisations, Terre de liens a dressé le portrait de l’entreprise acheteuse. « Deux…

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Auteur: Julie Lallouët-Geffroy Reporterre