Une forêt bétonnée pour enfermer des sans-papiers ?

Mérignac (Gironde), reportage

Le soleil darde ses rayons sur un terrain en friche, colonisé par les ronces. Des chardonnerets élégants pépient, perchés sur les branches de grands pins. Tristan Lemmi progresse à tâtons sur la lande sèche, couverte de crottes de lapins et d’un tapis d’aiguilles, qui craquent sous ses semelles. Il atteint les bois, s’enfonce sur quelques mètres, et peste : « Les bulldozers devraient tout raser, jusque-là. »

Ce terrain, connu sous le nom de « Bioparc de Mérignac », est en sursis. Situé entre la rocade ouest de Bordeaux et la forêt du Bourgailh, l’État pourrait y construire, sur deux hectares, un centre de rétention administrative (CRA) destiné à enfermer 140 personnes sans papiers, dans l’attente de leur — éventuelle — expulsion vers leur pays de départ.

Pieds fixés sur un chemin en gravier, genoux fléchis, yeux froncés et bras droit tendu vers l’avant, un homme d’une soixantaine d’années s’entraîne à la pétanque. Quelques lézards des murailles s’enfuient. Aux journalistes de Reporterre, il indique ne pas être au courant du projet et se dit « dépité » à l’idée de perdre son lieu de promenade favori. « La plupart des habitants ne sont même pas informés ! » dit Tristan Lemmi, qui dénonce « un déni de démocratie et une absence absolue de concertation ».

Initialement, le projet était prévu dans la ville voisine : Pessac. Il s’est heurté à une forte résistance des riverains, rassemblés au sein du collectif Crapasla. Alain Anziani (PS), président de Bordeaux Métropole et maire de Mérignac, a alors proposé de l’accueillir dans sa propre commune : sur le terrain du Bioparc. « Le site de l’allée Darwin présente un grand avantage : à gauche la rocade, à droite le cimetière, pas un habitant. Il ne gênera personne », estimait l’édile, le 27 juin, en conseil municipal, dans des propos relayés par le journal Sud Ouest.

Bordeaux Métropole répond, quant à elle, que le CRA sera construit, « que ça nous plaise ou non, parce que l’État l’a décidé ». Entamé en 2018, le programme pluriannuel de construction et de réhabilitation des centres et des locaux de rétention administrative prévoit, en effet, la création d’un établissement de 140 places dans les environs de Bordeaux. « Il permettra d’accueillir les étrangers dans de meilleures conditions », assure son service de communication. Pour l’heure, les personnes sans papiers sont retenues dans les sous-sols de l’hôtel de police de…

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Auteur: Alexandre-Reza Kokabi Reporterre