Une histoire du national en exil

Quand s’abat la violence, l’exode et l’exil, quand la survie ordonne l’abandon d’une terre, les livres deviennent le territoire manquant. Quand tout est laissé derrière soi, la feuille et le crayon deviennent, plus qu’un viatique, une machine de résistance, la plus simple et la plus rudimentaire mais aussi la plus indestructible, face aux forces de mort et d’effacement. La bibliothèque fait alors office tout à la fois de refuge, d’hôpital, de préfecture, de cathédrale, de maisonnée et de cour de Justice. C’est une de ces histoires de vie et de mort, d’effacements et d’écritures, de dispersion, de collection et de récollection, de littérature et de résistance, que raconte le grand et beau livre de Boris Adjemian : La Bibliothèque et le survivant. Sous-titré Un intellectuel arménien au siècle des génocides, il re-collecte et re-compose, à son tour, les traces et les trajectoires d’Aram Andonian, rescapé du génocide de 1915, réfugié en France en 1919, créateur en 1928 de la Bibliothèque arménienne de Paris, connue sous le nom de Bibliothèque Nubar. De sa conception à sa réalisation matérielle, de sa construction à son ameublement, de la levée des fonds, dans toute les diasporas, à la constitution du fonds, comprenant des centaines de témoignages de rescapés mais aussi bien d’autres traces des disparus, bien d’autres preuves du crime, bien d’autres mises en forme du vouloir-vivre, c’est toute une histoire sociale de la survivance qui nous est délivrée dans cette oeuvre que nous qualifions de grande et belle à tous égards : par le format – plus de six-cent pages – comme par l’ambition et la puissance émotionnelle, par l’écriture comme par la mise en page et l’iconographie. Sans rechercher le moindre effet épique, sans esquiver tout ce que la réalité historique comprend d’accrocs, de résistances et de conflictualité (une longue partie est notamment consacrée à…

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Auteur: Boris Adjemian