Une histoire politique du ring noir – De Tom Molineaux à Muhammad Ali

De la période esclavagiste au mouvement des droits civiques, la figure du boxeur noir n’a cessé de cristalliser les espoirs de la population afro-américaine, autant que la haine et le désir de vengeance du pouvoir et de ses alliés. En faisant revivre les parcours de l’ancien esclave Tom Molineaux, de Peter Jackson, victime de « la barrière de couleur » tracée pour préserver la suprématie blanche, de Jack Johnson, premier champion du monde noir des poids-lourds en 1908, de Muhammad Ali et de quelques autres, Chafik Sayari montre comment le ring, aux États-Unis, a toujours été le théâtre de la domination raciale et de sa contestation.

Malgré le manque de documents historiques, il revient prudemment sur les combats organisés entre esclaves dans les plantations. Des témoignages font effectivement état de ces pratiques qui auraient opposé plusieurs adversaires et n’acceptaient qu’un seul vainqueur, apparentées aux Battle Royal originaires des îles britanniques. Tom Molineaux (1784-1818) aurait conquis la liberté à l’issue de telles rencontres puis gagné l’Angleterre, « patrie incontestée de la boxe  » en 1809, où sa présence est mieux documentée et où il fut sérieusement entraîné par Bill Richmond, lui-même ancien esclave et premier Noir à affronter un Blanc, avant de remporter le titre de champion du pays. En 1911, il fallut convaincre Tom Cribb de sortir de sa retraite pour « rétablir le prestige racial » que Molineaux avait menacé.

La boxe fut paradoxalement légitimée aux États-Unis par les discours religieux du « christianisme musculaire ». Tandis qu’en Angleterre la morale victorienne s’imposait, un « passage de témoin » s’opéra entre les deux pays. George Dixon (1870-1908) devint le premier champion du monde de boxe noir en 1890 contre l’anglais Nunc Wallace, titre qu’il conservera jusqu’en 1900. Son combat le plus emblématique fut celui contre Jack Skelly en septembre 1892 à la Nouvelle-Orléans, provoquant un mouvement d’opinion pour interdire tous les combats entre boxeurs noirs et blancs. Il ne pouvait en tout cas être question de permettre l’organisation de combats mixtes qui auraient mis en jeux le titre de champion du monde poids-lourds, consacrant, dans l’imaginaire collectif, le statut d’homme le plus fort du monde. Peter Jackson (1861-1901), né dans une plantation des futurs îles vierges américaines, devint champion d’Australie en 1886 et, las d’attendre qu’un boxer de premier plan daigne l’affronter, il acceptera de…

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Auteur: lundimatin