Une révolution conservatrice dans la laïcité


La loi anti-foulard du 15 mars 2004 a été présentée par ses promoteurs comme un « retour aux sources ». Selon le récit mythique qu’ils ont réussi à imposer à l’opinion, cette loi n’aurait fait que « ré-affirmer » des principes oubliés, « re-découvrir » la pertinence et l’actualité des textes fondateurs, « re-trouver » la saine intransigeance de Jules Ferry, Jean Jaurès ou Gambetta, « rappeler la loi » et ainsi « restaurer » ou « refonder » un ordre mis en péril par un renouveau de la menace religieuse. Le paradoxe, rarement relevé, est que cette rhétorique du retour aux sources a servi à promouvoir une nouvelle loi – une loi qui, en imposant désormais la « neutralité » aux usagers et non plus seulement aux agents du service public d’éducation, opère une transformation radicale de la laïcité française, en rupture totale avec l’esprit des lois fondatrices  [1].

Si l’on peut parler de révolution conservatrice, ce n’est pas seulement parce qu’un « ordre nouveau » a été soutenu par une rhétorique « passéiste »  [2]), « conservatrice »  [3] ou « réactionnaire » [4]. C’est plus profondément parce que, dans son principe, dans ses objectifs et dans ses présupposés idéologiques, cette révolution rompt avec les principes de ce qu’on nomme le « progressisme » (la liberté et l’égalité) et s’inscrit au contraire dans un cadre idéologique profondément réactionnaire. Ce cadre idéologique réactionnaire peut être résumé par les quatre formules suivantes :

 passage d’une conception laïque de la laïcité à une conception religieuse de la laïcité ;

 passage d’une laïcité libertaire à une laïcité sécuritaire ;

 passage d’une logique démocratique à une logique totalitaire ;

 passage d’une laïcité égalitaire à une laïcité identitaire.

Une laïcité religieuse

« Laïcité sacrée » : cet…

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Auteur: Pierre Tevanian