Dans le cinéma, la littérature ou en politique, les zones rurales sont souvent dépeintes à travers un prisme urbain, tantôt misérabiliste, tantôt romantisé. Cette déformation s’étend également aux médias, qui perpétuent un regard centralisé et condescendant sur les réalités des campagnes.
En zappant sur France 2, un après-midi d’automne 2022, je tombe sur l’émission : “Un dimanche à la campagne”. Frédéric Lopez invite trois célébrités dans une maison isolée pour un parler à cœur ouvert de sujets intimes. Je me demande alors à quoi ça peut bien correspondre “la campagne”. Ici, c’est une maison avec poutres apparentes, feu de cheminée, grange aménagée et bottes de paille en guise de canapé.
“La campagne” ressemble au décor d’une rom com de noël, feutré et romantique. Mais rien n’est indiqué sur le département. La pluralité des territoires ruraux est réduite à un bloc uniforme, sans identité. On ne sait pas si c’est dans la Beauce, le Morbihan, en Camargue ou dans le Ségala. Cette campagne n’est pas ancrée dans une réalité géographique précise, elle est interchangeable, réduite à un simple imaginaire urbain sur le service public.
En ouvrant des journaux, je remarque plusieurs autres expressions réductrices pour désigner les territoires ruraux. Le Figaro se demande : « Est-il méprisant de dire “en Province” ? ». Quelques mois plus tard, Zadig titrait sur le « retard de la diagonale du vide » en matière de voitures électriques. Dans les colonnes du Monde, selon un jeune entrepreneur parisien, le Morvan est « impossible à situer sur une carte ». Ces exemples ont tous un point commun : un regard centré depuis Paris sur les ruralités.
On pourrait parler d’urban gaze (ou prisme urbain) pour décrire ce regard citadin (et bourgeois) qui déforme, simplifie et caricature les représentations des territoires ruraux, tout en alimentant un sentiment de…
Auteur: Emma Conquet