Vaccinoscepticisme dans l'ascenseur

Samuel Hirszenberg, « Spinoza excommunié », 1907.

Wikimedia Commons

À la fin d’un colloque récent, marquant une sortie timide de l’ère des visioconférences, nous prîmes un ascenseur pour remonter à la surface d’une station de métro. Dans la cabine, une dame d’une cinquantaine d’années nous avisa qu’elle mettait son masque pour nous. Je lui rétorquais gentiment que nous étions tous vaccinés. La dame déclara immédiatement son hostilité à la vaccination. Instant de surprise. « Mais alors, lui dis-je, c’est vous qui prenez des risques ici. Vous devriez vous faire vacciner pour votre bien ». Et j’ajoutais ce gros mensonge : que j’étais immunologue. « Avec quel vaccin ? », me testa-t-elle ? Je lui donnais la liste des vaccins disponibles en l’assurant que n’importe lequel ferait l’affaire. La dame appela du renfort : sa fille était étudiante en biologie. Tout sourire, je hasardais qu’elle assistait peut-être à mes cours. Arrivés dans la rue, la dame tourna les talons. Furieuse. Mes collègues riaient de l’imposture. Économistes, ils ne comprendraient pas grand-chose à l’économie, leur avaient seriné des interlocuteurs de rencontre. Les médecins reçoivent aussi des patients qui leur expliquent leur méfiance à l’égard des médecins et de la médecine et vérifient leurs prescriptions dans les revues médicales en ligne. Quant à la science politique, on imagine aisément toutes les leçons qu’un professeur peut recevoir. Normal, « nous sommes en démocratie ». Pour m’excuser de ma petite imposture, je ne puis invoquer que l’expérience socratique.

Scepticisme et phobie

Lire aussi Nidal Taibi, « Interroger les dogmes », Le Monde diplomatique, juillet 2021.

Depuis quelques années, la propension à contester les verdicts scientifiques s’est développée dans les médias, sur les réseaux sociaux et même dans les ascenseurs. Moins au nom de contre-propositions ou de réfutations radicales — la science se trompe — que de mises en doute : « on n’est pas sûr », « pas encore sûr », « les spécialistes ne sont pas tous d’accord » ou « il faut prendre du temps pour juger ». Ces convictions d’amateurs peuvent s’appliquer à tout. Après les climatosceptiques, les vaccinosceptiques. Avec la pandémie de Covid-19, un glissement des objets de la contestation a montré qu’il s’agit moins d’un problème quelconque — la santé après le climat — que d’une complexion intellectuelle ordinaire…

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Auteur: Alain Garrigou