« Vichy est le ressort inconscient des politiques publiques à l'égard des Voyageurs »

 basta! : Vous racontez le sort des Voyageurs en France pendant la Seconde Guerre mondiale, dans votre livre Les Nomades face à la guerre. Vous y soulignez aussi que les discriminations à leur encontre commencent plusieurs décennies avant le début de l’occupation allemande. Quelles formes prenaient-elles alors ? 

Lise Foisneau

Lise Foisneau est chercheuse au CNRS. Elle a soutenu une thèse en anthropologie à Aix-Marseille Université sur les formes politiques d’un collectif romani de Provence. Elle a conduit des recherches postdoctorales sur la mémoire de la Seconde Guerre mondiale à la Central European University (Budapest), au United States Holocaust Memorial Museum (Washington) et à l’École des hautes études en sciences sociales (Paris). Elle a aussi travaillé sur les inégalités environnementales dont sont victimes les gens du voyage sur les aires d’accueil. Voir par exemple cet article et sur la revue Ballast.

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Lise Foisneau : Les persécutions subies par les collectifs romani et voyageurs en France pendant la guerre s’inscrivent dans une histoire longue. Si l’assignation à résidence a été décrétée dès le mois d’avril 1940, c’est parce que les Roms, les Manouches, les Gitans, les Sinti, les Yéniches et les Voyageurs avaient déjà été regroupés en 1912 dans une même catégorie administrative, celle de « Nomades ». On les avait déjà soumis à des procédures d’identification et à une surveillance policière rapprochée.

Sans les processus d’identification et de contrôle auxquels étaient soumis depuis 1912 les soi-disant « Nomades », l’assignation à résidence, l’internement et les déportations auraient été beaucoup plus difficiles à mettre en œuvre. Les personnes que l’on avait réunies dans cette catégorie n’avaient parfois rien en commun. Le travail administratif entrepris au début du 20e siècle a permis aux mesures répressives décidées par Vichy et les autorités d’occupation allemandes d’atteindre immédiatement leur cible. Il ne faut donc pas séparer trop nettement la guerre de ce qui la précède, et de ce qui suivra. L’idée directrice du livre est que la période de la guerre ne constitue pas une exception du point de vue de la politique anti-nomades, mais un moment de vérité.

Qui entrait dans la catégorie administrative de « Nomades » forgée par la Troisième République ? Cette catégorie se basait-elle sur des préjugés racistes ?  

La catégorie administrative de « Nomades » est créée par la loi du…

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Auteur: Rachel Knaebel