Vies de la Mort de George Floyd

Dans une société régie par la police autant que par l’image, nous ne pouvons tout savoir ni tout connaître, non plus que tout ignorer. Il faudrait montrer beaucoup de mauvaise volonté, être de très mauvaise foi, avoir une très mauvaise vue, ou bien les trois, pour prétendre que l’on ne savait pas. Bien entendu, tout peut s’oublier.

Dans le monde du spectacle et sa bonne société, nous attendons souvent, trop souvent, la disparition d’une personne pour nous remémorer son existence. Plus la personne nous est étrangère, – plus elle demeure loin des yeux, loin du cœur – plus il nous faut voir pour croire. Réaliser, nous faire à l’idée. Revoir nos vieux clichés, recouper les témoignages, chercher la vérité.

Nous passons alors par toutes les étapes du deuil – choc et déni, colère, marchandage, dépression – jusqu’à l’acceptation de cette nouvelle réalité. L’image née de la mort devient aussi familière, sinon plus, que le corps qui lui a donné vie. Si l’image disparaît comme a disparu le corps, si elle est rognée, effacée, il ne reste plus – à celles et ceux qui restent – rien de la personne qui a réellement vécu. Il faut que l’image, la parole, l’écrit, se manifestent pour que revienne à l’esprit, si ce n’est la vie, du moins la mort.

Dans de nombreuses traditions, l’âme demeure plus de trois jours dans le corps défunt du défunt, puis commence sa transmigration. Au quatrième jour, le corps repose en paix. Après une quarantaine de jours, l’âme demeure en paix. George Floyd ne repose pas en paix. Son corps ne repose pas en paix, son âme n’est pas paisible. Comment le pourrait-il, comment le serait-elle ?

Mort d’une mort violente, violenté à mort, le corps de George Floyd, contenu, étouffé, est exhibé par son image et son âme, hantée, nous hante à son tour. George Floyd est devenu fantôme, fantasme. Ne repose pas en paix, George Floyd, lui disent ses vieux…

Auteur: lundimatin
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