Vins et spiritueux : un immense secteur économique aux contours flous

La récente campagne de communication de l’État sur les dangers de l’alcool interpelle un secteur considéré paradoxalement comme l’un des plus prestigieux et économiquement lourd en France. Mais qu’en est-il réellement ? Le marché des vins et spiritueux est-il aussi moteur qu’on le pense ? Comment le mesurer et le comprendre dans un pays où la consommation d’alcool est devenue une particularité culturelle en dépit des avertissements répétés quant à sa nocivité ?

Selon le portail statistique Statista, le marché français des boissons alcoolisées pesait environ 50 milliards d’euros en 2021 et le marché mondial 1 500 milliards e (dont plus de 300 milliards pour la Chine, le premier pays consommateur). En France, il représente plus de 700 000 emplois, soit près de 2,5 % de la population active française en 2019. Au-delà des chiffres, il provoque les débats et les controverses les plus vifs, rendant au final son poids économique très délicat à calculer.

Car lorsque l’on veut mesurer le poids économique d’une filière, il y a ce que l’on peut mesurer et ce que l’on ne peut qu’approximer ou imaginer. Le marché permet de mesurer les ventes domestiques et à l’export, ainsi que l’emploi direct. Mais toutes les activités de production et de consommation génèrent des externalités positives et négatives. Ces effets induits sont difficiles à capter car ils ne passent pas directement par un mécanisme de marché leur affectant un prix.

Or la filière des boissons alcoolisées est fortement génératrice d’externalités. En France, elle déchaîne peut-être plus qu’ailleurs les passions. Entre un totem – rémunérateur – de notre culture, et un mal endémique – coûteux –, essayons d’objectiver le poids des boissons alcoolisées dans l’économie française.

Phénomènes de substitution

Commençons par ce que l’on peut mesurer : le marché. Il existe trois grandes familles de boissons alcoolisées : le vin, la bière et les spiritueux. Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), elles représentaient en 2018 plus de 60 % du marché total des boissons en valeur devant le café et le thé, mais aussi devant les sodas, l’eau ou les jus de fruits, dont les consommations augmentent bien plus vite. Car la consommation d’alcool diminue très nettement depuis les années 1960 au profit des boissons non alcoolisées.

C’est la consommation de vin, notamment de vin rouge, qui a le plus baissé. Le vin reste l’alcool le plus consommé historiquement en France mais perd beaucoup de terrain par rapport à la bière. Ce phénomène de substitution est classique. Il touche tous les pays producteurs d’une famille d’alcool. Ainsi la France, l’Italie et plus encore l’Espagne ont vu leur consommation de vin s’effondrer au profit de la bière. Dans les pays producteurs de bière, c’est l’inverse qui se déroule. Le Royaume-Uni boit plus de vin que de bière aujourd’hui alors que, dans les années 1960, sa consommation d’alcool portait à plus de 80 % sur la bière.

L’évolution sociologique tend à une consommation d’alcool moins régulière, plus féminisée aussi. Le vin est passé d’une boisson de repas à une boisson occasionnelle. Il est en outre consommé par les plus âgés et les plus aisés, avec un déplacement de la demande vers des vins de plus haute qualité, donc plus chers. Le vin apparaît ainsi comme la boisson la plus élitiste.

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La bière devenant l’alcool le plus consommé par les jeunes et les ménages modestes. La consommation de spiritueux diminue également avec les revenus mais reste stable dans l’ensemble. En 2018, les Français buvaient en moyenne, selon l’Insee, 40,6 litres de vin par an et par personne, contre 32,3 litres de bière et 5,3 de spiritueux.

Premier secteur agricole français

Le vin est aussi l’alcool le plus produit en France. Même si la France a perdu sa place de premier producteur mondial au profit de l’Italie il y a une quinzaine d’années, elle reste l’un des principaux pays de production à l’échelle mondiale (en moyenne 4,2 milliards de litres ces dernières années), en particulier pour les vins de qualité supérieure. Le secteur pèse environ

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Auteur: Jean-Marie Cardebat, Professeur d’économie à l’Université de Bordeaux et Prof. affilié à l’INSEEC Grande Ecole, Université de Bordeaux