Violences policières, généalogie d'une violence d'État

lundimatin : Tu fais dans ce livre une histoire sérielle, ou tu choisis des séries d’histoires brèves que tu réinscris dans une histoire longue des pratiques policières. Cette méthode, elle pose toujours un problème sur le choix archivistique et sur ce qu’on sélectionne comme étant significatif d’un état de fait. Toi, tu repars de 1945, de la Guerre d’Algérie et puis de la gestion sur le territoire français des immigrés, des éléments qui marquent une première rupture, une espèce de rupture fondamentale dans le déroulement du travail de police. Est-ce que tu peux expliquer pourquoi commencer cette chronologie en 1945 à Sétif ? Michel Kokoreff : Il s’agit de proposer une généalogie des violences policières, c’est-à-dire au sens de Foucault une « histoire du présent », son inscription dans un processus long. Bien sûr, d’autres choix ou cadres temporels étaient possibles. J’aurais pu repartir de 1938 et de la distinction entre les juifs étrangers et les juifs nationaux par l’État français, du 23 avril 1941 qui voit la naissance de la police nationale, suivie en 1944 de la création des CRS, pour se dissocier de cette police de Vichy, qui écraseront les grèves des mineurs en 1947-48, suscitant le fameux slogan « CRS-SS », repris en 68… À la Libération, l’institution policière, telle qu’elle fonctionne toujours, est en place.

Le 8 mai 1945 est doublement symbolique. On célèbre la victoire des alliés, mais c’est aussi à cette occasion en Algérie qu’apparaissent des drapeaux algériens et des slogans indépendantistes qui provoquent un massacre à Sétif et dans d’autres villes. Cet événement préfigure le 14 juillet 1953 et le « novembre rouge » d’août 1954, avec une série d’offensives organisées par le FLN, qui marque elle-même le point de départ de cette guerre longtemps restée « sans nom » que fut la Guerre d’Algérie. Cette date marque donc un basculement. Ce…

Auteur: lundimatin
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