« Voulez-vous rejoindre la communauté entrepreneuriale Sorbonne Université ? »

Il n’est pas encore 9h et je reçois sur ma messagerie un mail de mon ancienne université, Paris-Sorbonne, où j’ai étudié puis enseigné.

« Chères Alumnae, Chers Alumni » : ça commence mal. « Alumni » veut dire « ancien » en latin, et c’est un terme prisé des universités privées américaines et des écoles de commerce françaises. Alumni, ça fait chic, Harvard style. 

La Sorbonne n’est pourtant pas Harvard ou Cambridge. Derrière un nom prestigieux, elle est une université française comme les autres, où l’on entasse les étudiants en première et deuxième année sans moyens, sans vie sociale, dans des bâtiments qui ont la convivialité d’un entrepôt Amazon… Puis on les regarde quitter les rangs des amphis de mois en mois pour n’en garder plus qu’une minorité à l’issue de la deuxième année. Mes vénérables collègues appelaient ça « écrémer ». Une mission de service public des plus faciles à mener : il suffit de ne rien faire. Ne rien faire pour aider les étudiants en difficulté à progresser, ne rien faire pour réfléchir à une meilleure intégration sociale de ces ex-lycéens (qui passent de journée entière de cours à 15h par semaine), ne rien faire pour penser à des modes de transmission plus efficaces. 

« Fais-leur faire des exposés, sinon tu n’auras pas le temps d’avancer sur ta thèse », m’a-t-on conseillé lors de ma première rentrée comme enseignant. « Ne les fais pas trop bosser, ils seront trop nombreux en deuxième année sinon ! » m’a-t-on dit quelques mois plus tard. Nul doute que ces jours-ci, l’institution universitaire est encore plus indifférente à leur sort maintenant que les étudiants sont hors des murs. « Loin des yeux, loin du cœur », surtout pour des universités devenues des sortes de super-entreprises, avec fusions, regroupements, “rayonnement international” et tout le tintouin technocratique qui faisait briller les yeux de mes supérieurs hiérarchiques. Et ce mail ne marque apparemment pas un tournant en la matière :

« Je vous écris car Pépite Sorbonne Université poursuit et développe sa mission de…

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Auteur: Rédaction Frustration Mag