Depuis quelques mois a été entrepris un important travail de traduction de la revue américaine Bædan dont les trois uniques numéros sont parus de 2012 à 2015. Aux côtés des textes issus du mouvement Bash Back ! déjà publiés en français, cette traduction permet de prendre la mesure de l’apport théorique et pratique de la convergence entre nihilisme queer et anarchisme insurrectionnaliste.
Le premier numéro s’ouvre par un texte intitulé « Le tournant anti-social », qui en constitue en quelque sorte le manifeste. S’appuyant sur les thèses de Lee Edelman concernant la dimension anti-sociale, anti-utopiste et destructrice de la queerness, ce texte se propose d’en tirer toutes les conséquences politiques pour reprendre à son compte un questionnement ancien : comment contrer l’inexorable capacité du système capitaliste non seulement à digérer et à domestiquer la contestation, mais aussi à s’appuyer sur elle pour se renouveler ? Ce système, on le sait, est une formidable machine à incorporer les antagonismes en les réduisant à des segments spécialisés du marché et en les transformant en biens consommables L’une des leçons les plus désagréables de l’histoire des révolutions est ainsi que celles-ci ont le plus souvent occupé une fonction de maintenance du système qu’elles visaient à démolir.
Peut-on y échapper ? On se souvient de la réponse post-opéraïste de Negri dans Domination et sabotage. Il fallait coûte que coûte maintenir dans la lutte un strict équilibre structurel entre négativité et positivité : seul un effort simultané de destruction des institutions ennemies (le sabotage) et de construction d’une alternative, autrement dit une contre-société fondée sur des désirs et des valeurs propres (l’autovalorisation), pouvait vaincre la totalité adverse. Dans le contexte de l’autonomie italienne, cela devait permettre la « séparation », c’est-à-dire la mise en…
La suite est à lire sur: lundi.am
Auteur: dev