La lecture des derniers grands livres sur la vie et l’œuvre de Benjamin, la biographie de deux universitaires américains, Howard Eiland et Michail W.Jennings, traduite et éditée dernièrement en allemand et la monumentale synthèse de Jean-Michel Palmier, publiée de façon posthume sous le titre : Walter Benjamin-Le chiffonnier, l’Ange et le Petit Bossu, n’ouvrent pas de perspectives pour faire de la pensée de Benjamin un outil d’analyse du présent et de réflexions sur de futurs possibles. Ils suggèrent plutôt une insertion définitive de Benjamin dans le cercle des grands penseurs morts, un grand puits de profondes pensées non épuisable.
Eiland et Jennings terminent leur présentation biographique avec le renoncement explicite à une compréhension cohérente de sa pensée. A chacun son Benjamin ! « Des générations futures de lecteurs vont sans doute trouver leur propre Benjamin dans la rencontre avec ce « tout contradictoire et mouvant » que constitue l’œuvre de sa vie. » Palmier qui se plonge beaucoup plus en détail dans le cheminement de la pensée de Benjamin, ne conclut pas très différemment au sortir de son exploration : « La lecture historique et critique tentée ici ne vise à aucune synthèse mais plutôt à une déconstruction systématique de ses écrits, à une mise à jour des tensions qui en constituent l’actualité. Il n’en demeure pas moins que la rencontre avec Benjamin est un évènement unique, qui s’adresse à un lecteur solitaire. »
Dans le flot des interprétations et commentaires sur l’œuvre de Benjamin, il n’y a que quelques rares prises de positions signalant son importance toujours actuelle comme penseur révolutionnaire. Ce sont surtout des auteurs d’inspirations (plus ou moins) trotskistes. Dans un texte précédant, j’avais cité longuement Michael Löwy. On peut y ajouter Daniel Bensaïd et Enzo Traverso qui l’avaient précédé. Ces deux auteurs ont évoqué une certaine affinité entre la pensée de Benjamin et Trotsky. Traverso, dans son article Walter Benjamin et Léon Trotsky, rappelle que Benjamin était un lecteur passionné de Trotsky. Comme lui, Benjamin était convaincu qu’en Union soviétique un procès de restauration avait commencé dès les années vingt. Comme lui, il avait une vision critique du front populaire en France et en Espagne, en l’assimilant à une stratégie antirévolutionnaire. Les deux condamnaient la confiance dans le progrès et dans l’inéluctabilité de la marche de l’humanité vers le socialisme, idées…
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Auteur: lundimatin