War

« Saturday Night Live », 1992

Au coin de la St. Mark Place et l’Avenue A, il y avait un bar irlandais minuscule qui était tenu par un irlandais gigantesque avec des cheveux poivre et sel, longs jusqu’aux épaules. Il avait le dos voûté tellement il était mal dans sa peau, mais c’était un bon gars. Il était gentil. Ouais. Il était toujours habillé en noir et avait l’air si triste que son visage ressemblait à l’Irlande, mais s’éclairait comme l’Angleterre dès qu’il voyait sa copine, tellement il l’aimait.

Par contre, les bars irlandais : je déteste. Rien que des gens bourrés qui s’accrochent à ton bras, et te racontent n’importe quoi en chialant. J’aime pas la musique irlandaise non plus, mais j’aime bien me rouler un joint. Alors je m’asseyais dehors sur le trottoir en espérant ne pas voir débarquer ce salaud de flic avec sa moustache guidon débile à la prince Albert, qui un jour avait shooté dans le pétard que je tenais à la main. On disait que quand il n’était pas de service, il fréquentait les prostituées dans les appartements au-dessus des boutiques et sniffait de la coke. Il aurait mieux fait de fumer des pétards et de laisser les dames tranquilles.

Une nuit, vers une heure du matin, juste en face du bar irlandais, j’ai remarqué un bar à jus qui venait d’ouvrir. Un panneau à l’entrée annonçait qu’il était ouvert jusqu’à l’aube. D’où j’étais, je voyais de jolis tableaux colorés aux murs et des piles d’oranges et de pommes près de la caisse, comme une joyeuse antithèse visuelle de l’Irlande.

Les gens avaient l’air de bien rigoler là-dedans. Alors j’ai pris mon barda et j’ai traversé la rue. Bon sang de bonsoir ! À l’intérieur, des Antillais avec de longs dreads roulaient de l’herbe dans des feuilles de tabac frais en écoutant de la musique rasta. Le bar irlandais pouvait bien aller se faire foutre, le bar à jus deviendrait mon nouveau chez…

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Auteur: Sinéad O’Connor