WikiLeaks & Julian Assange : une « affaire d’Etat(s) »

« Chronique internationale » de Charles Thibout & Béligh Nabli

Le procès du fondateur de WikiLeaks reprend aujourd’hui à Londres. Sous le coup de multiples accusations, dont celle d’espionnage, Julian Assange risque l’extradition vers les Etats-Unis et 175 ans d’emprisonnement. Son parcours signe l’effraction dans les relations internationales d’acteurs transnationaux issus des sociétés civiles et contempteurs des vicissitudes des appareils d’État. Leur effet déstabilisateur sur l’ordre international n’a d’égal que la volonté farouche des États, et singulièrement de la première puissance mondiale, de perpétuer leur emprise surla régulation des affaires internationales.

Volonté de puissance versus volonté de transparence

Quand WikiLeaks naît en 2006, il s’assimile d’emblée à un contre-pouvoir d’un genre nouveau, un instrument original de contestation des appareils d’État. Son objectif : la transparence. WikiLeaks met sur la place publique mondialisée des informations d’intérêt général. Il accroît sensiblement sa visibilité en 2010, en publiant une vidéo de l’armée américaine où des civils sont abattus depuis un hélicoptère à Bagdad, trois ans auparavant. S’ensuivent d’autres publications majeures, dont des centaines de milliers de documents militaires et diplomatiques qui révèlent, entre autres, les conditions de détention au camp de Guantanamo et la mise sur écoute de trois chefs d’État français par la NSA.

Parmi les multiples caractéristiques de ce medium, WikiLeaks retient l’attention par son aversion pour le « secret d’État ». Ce secret qui, à la fois, pose un voile pudique sur les agissements des grands de ce monde – à qui il arrive précisément de mettre « au secret » leurs ennemis –, et confine la politique à l’autogestion de petits cénacles « distincts », « à l’écart » (secretus) du citoyen. La transparence est donc un objectif politique appuyé sur un propos philosophique : la vérité est à découvrir, à dévoiler (alèthéia), pour que le gouverné quitte les habits du spectateur aveugle des manigances de ses maîtres. D’où le titre d’un des essais fondateurs de WikiLeaks, rédigé par Assange : Conspiracy as Governance. C’est, par extension, à la « raison d’État » qu’il s’attaque, suivant la définition de Giovanni Botero, soit la somme des savoirs ésotériques qui fondent sa domination et…

Auteur : Charles Thibout
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