Willy se meurt

L’Orque désenchantée (depuis son bassin)
murmure à qui sait l’entendre
sa soif d’Océan.

L’Orque au bout d’elle-même (depuis la Seine)
murmure désespérément
la Mer en péril.

L’espace se resserre.
Et vous n’entendez pas.

Ah oui, le drone sonorisé pour guider l’animal. C’est vrai qu’avec les nouvelles technologies tout espoir est permis, pour ne pas voir l’absurde.

Ah oui, la fameuse autopsie. Une x-ième donnée scientifique. Sa mort va servir la science, une occasion de comprendre. Vous allez découvrir depuis vos laboratoires de quel mal souffrent les cétacés. Et alors, vous allez les soigner ? Vous allez demander aux pollueurs d’arrêter leurs manufactures, aux sous-marins leurs ondes sonores, aux ingénieurs leurs constructions en pleine mer ? Vous allez arrêter le réchauffement des océans ?

Soleil bleu à l’heure du premier chant de l’oiseau, et puis “Soleil vert”. Mais il n’y a pas ici de secret à révéler. Observer, écouter, s’immerger, sentir. La Mer souffre et les êtres océaniques se meurent. Nous le savons. Il n’y a pas d’enquête à mener. Vous n’entendez pas. Depuis quand la science écrit-t-elle la vérité du monde ? Vous attendez quoi ?

Nous sommes impuissants, aussi impuissants que vous. Mais nous n’avançons pas les yeux rivés vers le ciel. Nous savons la folle course en avant, l’écologie 2.0 et la numérisation polluantes et énergivores, l’invisibilité de ce qui ronge. La vie des clics permanents, connexions et puçages.

Mais peut-être bientôt des animaux sauvages pucés. Certains sont déjà équipés de caméras quand ils ne sont pas des artefacts, engoncés dans des réserves. Il ne manquerait plus que des ingénieurs fabriquent un jour des robots-cétacés pour amuser les derniers consommateurs de mers. Des magic dolphins, et ces cris depuis les pontons : “Oh, on dirait des vrais ! Qu’est-ce que c’est bien fait !”

Il y a eu “Willy”, pour de faux, et puis il y a eu le dauphin Jean-Floc’h (Finistère) et l’orque Luna (Colombie-Britannique), pour de vrai. Les mêmes histoires d’humains incapables de s’entendre, des rencontres inter espèces gâchées. Nous aurions pu apprendre de ces multiples “Nous”. Cette fois seulement, ce n’est pas un cétacé qui se présente pour un commun possible, c’est un être qui se meurt. Le seuil est franchi. Nous ne pourrons plus guérir à nous-mêmes, nous n’aurons plus la possibilité d’apprendre depuis cet Autre. Il disparaît, et avec lui notre horizon.

L’Orque au bout…

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Auteur: lundimatin