Xavier Ricard Lanata (1973-2021)

Xavier Ricard Lanata est décédé le 5 septembre 2021 des suites d’une tumeur au cerveau ; il avait 48 ans. Penseur, écrivain et militant, il a parcouru le monde entier, notamment lorsqu’il occupait un poste de direction au Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement (CCFD). Outre ses activités militantes, il est l’auteur de cinq livres parus, d’un sixième qu’il adressa à son éditeur des Puf avant de succomber à la maladie. Dans les dernières semaines de son existence, ne pouvant plus écrire, il conçut aussi, in extremis, un roman, par dictaphone, Socrate sur le mont Palomar, où il est question de Platon et des étoiles. Xavier Ricard Lanata était un visionnaire.

Son premier livre, Alfred Métraux et le chamanisme (2004), est tiré d’un mémoire de master en Anthropologie, sorte de prélude théorique au grand saut dans l’inconnu qui devait suivre : Les Voleurs d’ombre. L’univers religieux des bergers de l’Ausangate (Andes centrales), second livre paru en 2010 aux éditions de la Société d’ethnologie, ouvrage cette fois tiré de sa thèse de doctorat en Anthropologie.

D’origine péruvienne par sa mère, Xavier était habité depuis sa plus tendre enfance par la question des relations entre les descendants des colons espagnols et les Indiens des hauts plateaux andins. Pour sa Thèse de doctorat, il choisit de franchir la barrière des classes, des races, de l’espace et du temps. Il apprit le quechua, gravit la montagne, partit vivre auprès des bergers des Andes, à une altitude où la nature n’est pas tant hostile que radicale. Il fut d’abord accueilli par le silence des espaces infinis, le cri des lamas, la profondeur des nuits glacées et l’indifférence déterminée des bergers. Il tint bon, jusqu’au jour où les bergers reconnurent en lui non pas un « blanc » venu remplir sa cruche d’un savoir qui lui servirait ensuite de capital symbolique pour bâtir une carrière académique, mais un ami, bientôt un frère. Xavier était ainsi. Il touchait à l’âme. Parce qu’il ne trichait pas :

« Le camion a quitté Sicuani à quatre heures du matin, dans le froid encore mordant de l’aube. Au fur et à mesure que l’on s’élève, l’air devient plus sec. La sensation de froid est atténuée par le soleil qui passe les premières crêtes et que l’on aperçoit par intermittence. Lorsqu’il neige en revanche, comme c’est bien souvent le cas, on s’enfonce dans une tiédeur ouatée, en observant les collines qui renvoient une pâleur irréelle. De Minas Chupa,…

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Auteur: lundimatin